
Depuis mon adolescence, allez savoir pourquoi, mystère de la sonorité, le nom "Truman Capote" m'évoque la position de président des Etats-Unis.
Il ne fut pas président, donc, Truman, et cette fois, je devrais m'en souvenir...
Anecdote personnelle mise à part, j'ai envie de vous parler de ce film, vu il y a une heure à peine, et je ne sais pas trop par où commencer.
Par l'acteur, sans doute, fabuleux de nuance face à un rôle lourd, difficile, et qui aurait pu facilement confiner à la caricature. Il incarne Truman Capote au moment où celui-ci rencontre le "sujet" de sa vie d'écrivain, le fait divers dont il fera son roman le plus célèbre ("De sang froid") : le meurtre d'une famille dans un petit village où tout était paisible jusque là.
Ce film, Philip Seymour le porte seul sur les épaules, un peu comme l'auteur qui nous est montré, qui a, seul, porté son livre, son "histoire", volée, arrachée, poursuivie par tous les moyens - et à quel prix! - à deux hommes accusés de meurtre dans un village du fin fond des Etats-Unis.
L'acteur est impressionnant de présence, il virevolte dans tous les registres, sans en faire trop, sans tomber, et c'eût été facile, dans la virtuosité gratuite, la caricature. Dans ce film, Capote est aussi difficile à cerner que peut l'être la personnalité d'un homme quel qu'il fut. Philip Seymour nous emmène sur une piste, et puis rompt le rythme pour nous donner une autre image de son personnage, revenir ensuite au premier registre, l'approfondir, et peindre à la scène suivante encore une autre facette de Truman Capote.
Ce film est le portrait de Capote en auteur, en homme de désir, en homme du monde. Un homme présenté dans ses faiblesses amoureuses comme dans ses prouesses en société, où il excelle par le verbe alors qu'il perd son humanité, en y moquant ceux qu'il semble aimer à d'autres moments : les accusés qui lui offrent le "succès" de sa vie. Un portrait en majesté et en bassesse donc...
Au delà du jeu de l'acteur, il y a un montage habile, une succession de scènes qui tranchent tellement les unes avec les autres, que l'on perd parfois Truman Capote de vue, que l'on a peine à le suivre, à comprendre. Et l'on comprend qu'à peine se connait-il lui-même, à peine ressent-il les motifs qui le font être, agir.
C'est habile parce que pas une fois je n'ai eu l'impression d'assister au procès d'un auteur. Et pourtant, l'histoire racontée pourrait s'y prêter.
Mais le film est habile, et on sait être face à un film, une vision, peut-être mensongère (et peut-être que je préfère le croire) de ce que fut l'homme et l'auteur. Rien n'est affirmé, toutes les pistes sont offertes, et notre jugement est suspendu, jamais appelé. On ne nous indique pas qui il faudrait détester, juger. C'est tellement rare dans ce genre de film, la subtilité.
On peut préférer juger Truman capote, lui en vouloir d'avoir instrumentalisé des hommes, et leur histoire douloreuse pour pouvoir écrire le livre qui fit sa gloire.
On peut tout aussi bien excuser l'homme en lui, et accepter le miroir tendu vers nous, vers tous ceux qui aimeraient tenir comme lui un "sujet" pour une "histoire", un "roman", un vrai, fondé sur une réflexion sur l'homme et la société, le déterminisme social, autant que sur le magnifique fait divers sanglant...
On peut l'admirer, craindre lui ressembler, lui chercher des excuses, ou avoir pitié de lui en se pensant supérieur à peu de frais.
Je m'arrête ici mais je pourrais continuer des heures, je crois, tant il va être difficile de cerner pourquoi j'ai aimé ce film. Il traite tant de sujets à la fois, tout en ne nous contant qu'une histoire très simple, très facile à résumer. C'est tellement rare au cinéma, les films peu manichéens, complexes sans chercher l'épate...
Allez-y, je vous le recommande plus que chaudement, en VO bien sûr.

Et pour ma part, demain, je file à la librairie m'acheter du Truman Capote et faire chauffer le stylo plume, aussi.

synopsis de M.Ruellan
Truman Capote, disparu en 1984, est un célèbre écrivain américain. Ce film le situe en 1959, lorsqu'âgé de 35 ans, il est intrigué par l'assassinat de quatre membres d'une famille de fermiers. Il décide d'enquêter sur les lieux de ce crime afin de mettre en pratique sa méthode consistant à estimer, qu'un fait-divers authentique peut être aussi intéressant, s'il est bien écrit, qu'une oeuvre imaginaire...