Un topic "light", pour un coup de coeur de cet après-midi. Je vous fais un résumé de ce que j'ai pu comprendre de son travail.
Gilbert Garcin est un photographe marseillais, qui bidouille depuis des années avec du papier, des ciseaux, de la colle, des éléments naturels, des clichés, etc. afin de construire des mises en scène qu'il prend ensuite en photo.
Pas d'utilisation d'outil informatique, du bricolage qui nous ramène à la naissance de la photo, aux premières tentatives de mystifications, qu'elles soient artistiques, récréatives ou purement et simplement attrappe-couillons.
(je pense par exemple à ceux qui offraient contre monnaie sonnante et trébuchante des portraits du client avec ses ancêtres fantomatiques à ses côtés, par le simple jeu de la surimpression, la double prise de vue sur le même négatif - ou encore à ces marchands d'apparitions qui projetaient les images sur des écrans de fumée au tout début de l'histoire de cinéma - deux exemples de filouteries superbes d'inventivité)
Ce que réalise Garcin, ça ne s'obtient pas au prix de trois fois rien d'efforts sur le plan technique. Mais au-delà de la technique optique il y a chez lui un réel souci de mise en scène, un goût du jeu évident, un travail que l'on imagine tantôt minutieux tantôt très simple du point de vue de la réalisation. La gamme des errances est assez variée chez ce photographe.
Ca serait bien Sysiphe... Spéciale dédicace
Il y a quelque chose qui évoque Méliès dans ces photos, notamment le goût du trucage, le collage ; à la différence près, qu'il me semble que Garcin ne modifie pas sa pellicule, travaille sur des maquettes (donc sur du modèle réduit, et ne vise pas, loin s'en faut (c'est très visible sur certains clichés) la perfection grâce aux procédés. Son travail évoque pourtant les bricoleurs de pellicule et de prise de vue de génie du début de la photographie et du cinéma.
De façon plus évidente encore, le travail de Garcin rappelle l'univers de plusieurs peintres, comme par exemple Magritte. Garcin propose des autoportraits, et sa figure récurrente nous ramène à l'homme au chapeau, si souvent seul dans les tableaux de Magritte, face à un paysage improbable. Des photos où je retrouve la même simplicité, qui renvoie à ce que l'on peut ressentir comme absurde chez Magritte (c'est peut-être trahir Magritte, que j'avoue connaître mal, que de le penser, mais c'est un des effets de ses tableaux), qui a su si bien ouvrir un infini sur la toile du fait même de cette simplification -par soustraction- apparente des éléments de la composition.
(NB : Prom', si mon avis sur Magritte est du pur non-sens, merci de sonner l'alarme... )
Ou encore Escher :
Les photos de Garcin ne devaient pas comporter de titre, puisqu'il se proposait de ne pas fermer, ne serait-ce que par un titre, la lecture que l'on pourrait faire de ses prises de vue, ou plutôt les évocations qu'elles pourraient faire naître chez le spectateur. Il a fini par en mettre, à la demande d'un éditeur (ou pour une expo, je ne me souviens pas trop, je vérifierai). Cela a au moins le mérite de lui faire évoquer certains mythes, de façon plutôt anecdotique, et que personnellement je ne trouve pas forcément très percutante. Ses photos, sans titres, ont il me semble plus de saveur, mais bon...
Sa photo a tout de la mise en scène, permet la rêvasserie de façon certaine.
Cela dit, certaines photos en particulier offrent un regard sur notre société, qui peut évoquer Kafka, notamment mis en scène par Orson Welles, lequel avait magnifiquement joué de la disproportion entre l'univers social étouffant et l'homme.
J'ai l'impression que sur pas mal d'images, Garcin laisse l'imperfection de son bricolage apparaître à dessein, ce qui double son travail de composition d'un effet d'étrangeté, qui souligne le procédé photographique. On sent le plaisir du "bidouilleur", et je trouve ça agréable, assez en décallage avec ce que produisent pas mal de photographes.
(Si la comparaison vous tente, le travail du couple Parkharisson dont j'ai déjà parlé dans ce forum, est très différent quoique similaire au premier abord-, car chez eux le procédé est masqué, gommé. On le sent présent, mais le spectateur a une prise directe avec le résultat, déroutant parfois mais lassant car très propre, léché, et d'une "magie" un peu facile. Ici elle est bricolée, le photographe ne s'en cache pas, et ces erzats d'imperfections font le charme, de mon point de vue, de ces photos)
Difficile, aussi, de ne pas penser à Jacques Tati face à l'homme au berêt, présent sur de nombreuse photos de Garcin, et surtout face à la photo ci-dessus, qui rappelle "playtime" :
Sur cette dernière photo, on voit très bien, je trouve, ce que permet le fait de travailler sur une "maquette", puisque l'effet 3D apporte un relief supplémentaire.
Dernière édition par le Ven 16 Fév - 23:07, édité 10 fois