Plus sérieusement...
Maldoror a écrit:La violence de la charge est à la hauteur du danger pressenti, dira-t-on.
Je te rejoins quant au rire que peut provoquer l'apparition du fameux point Godwin dans toute conversation sur ces sujets, ce qui a de plus le désavantage de permettre une critique qui se porterait non sur les arguments mais sur la tonalité employée.
L’on conviendra néanmoins que la peur, même dans ses manifestations les plus outrées, n’a jamais écarté le danger.
Je suis tentée de retourner ce propos, que personnellement je trouve assez facile. Que l'on ait "peur" est la grande justification que l'on propose essentiellement dans l'adoption de cette loi, qui est tout de même proposée à grand renfort de faits divers et de pathos.
Dans ce débat, avant l'organisation sociale, on plaide en faveur des victimes, on appelle toute personne à se sentir de près ou de loin victime potentielle, afin de placer le débat dans un champ sentimental. On nage, dans les deux camps, en plein dans la persuasion, ce qui a tendance à rendre plus que suspicieux.
Si toute menace s’écartait d’elle-même au premier déploiement de pathos, s’il suffisait d’une campagne d’indignation collective pour éradiquer l’objet de nos hantises, la société n’aurait d’ailleurs pas la nécessité des lois et de leur application.
En effet, mais comme je le soulignais ci-dessus, ceci me rappelle également à quel point sur ces questions, l'on voit resurgir des débats récurrents sur ce qu'il faudrait faire aux "déviants" pour assainir la société. Question pathos, sincèrement, notre gouvernement actuel n'est pas en reste...
Mais, dans l’ordre des choses qui est le nôtre, où la réalité - pour paraphraser Phillip K. Dick - a cette détestable manie de refuser de disparaître quand bien même l’on cesse d’y croire, le législateur est parfois tenu de se saisir de questions qui le répugnent mais qui ne pourraient qu’empirer sous l’effet de sa négligence.
Justement, en l'état de notre justice, les erreurs judiciaires étant plus que nombreuses, il faut également penser à ceux que l'on condamne et se prémunir contre la possibilité de l'erreur.
La récidive est un problème très important, mais l'erreur judiciaire, tout comme la question du sort que l'on réserve à nos prisonniers sont tout aussi importants. On ne peut, sur un sujet comme celui-ci, se contenter de penser aux victimes. Souligner, fût-ce de façon alarmiste (et donc radicale), ce qui dans un projet de loi va à l'encontre de l'idée que l'on se fait des droits de l'homme (le prisonnier en faisant partie) a au moins le mérite de mettre en balance le discours centré sur les victimes potentielles que nous sommes.
Les deux parties peuvent être renvoyées dos à dos dans le partage du pathos... et je ne crois pas peu essentiel le discours que tu critiques ici et qui dans sa radicalité offre l'impulsion d'une réflexion sur le prisonnier et ses droits en tant qu'homme.
Ce discours peut être plus qu'exaspérant dans sa forme, je te l'accorde volontiers, il n'en demeure pas moins que si un tel projet de loi était débattu sans que s'élèvent des voix qui parlent pour rappeler à la prudence la plus grande, cela serait bien plus inquiétant.
Bien évidemment, la crainte de voir la politique pénale devenir un artifice de consolation face à l’ignominie d’un fait divers doit être entendue.
oui, et cette crainte est saine.
Mais, dans le même temps, suffit-il qu’une réalité soit marginale pour être ignorée ?
Justement... Il s'agirait de ne pas oublier que la justice n'est pas exempte d'erreur, fussent-elles marginales.
Pour le dire mieux, l’exception criminelle justifie-t-elle l’imperfection de la loi ?
En effet, la question résume bien le principal problème. Il faut évidemment se saisir de la récidive, on ne peut pas se contenter de déplorer les faits et ne rien faire sous prétexte d'un pourcentage...
Pareille interrogation ne peut être résolue dans l’absolu : elle impose de soumettre ses convictions, aussi nobles soient-elles, à l’épreuve des faits.
Il y a toujours quelque chose d'assez hugolien dans notre vision du monde (à la française, lol)... Cette idée qu'en "ouvrant une école on ferme une prison", comme si les choses étaient aussi simples et mécaniques. L'éducation ne peut pas tout, et la perfectiblité n'est malheureusement pas partagée par tous. Je crois sincèrement que certains ont du mal à accepter que la réalité n'embrasse pas leurs idéaux "humanistes".
Je crois toutefois qu'ils doivent nous servir de garde-fou, non de prêt à penser, mais de discours radical invitant à mesurer chaque décision, chaque loi, pour lui offrir le plus de sécurités possibles.
Or, lorsque l’on consent à moins spéculer sur ses vices supposés pour se concentrer sur son actualité, il apparaît que la nature et la portée du projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne justifient pas la véhémence de ses détracteurs.
Je trouve que vu la façon dont il a été présenté par madame Dati, ce projet de loi appelait cette véhémence. Si l'on remet cela dans le contexte, vu le nombre de décisions prises à la va vite ces derniers temps, le moins que l'on puisse faire est d'appeler à la prudence (et je me répète : la radicalité a cette vertu de créer l'impulsion de la réflexion).
« les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile (…) apparaissent insuffisantes » pour prévenir la récidive et lorsque la mesure de rétention de sûreté « constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission [d’un crime], dont la probabilité est particulièrement élevée ». Il est ainsi expressément stipulé que la rétention de sûreté constitue un dernier recours.
merci pour tous tes "rappels" instructifs

Concernant "l'injonction de soin", ce qui me semble honteux, c'est le décalage entre ce qui devrait être fait depuis longtemps et ce qu'on se promet de faire "en dernier recours"... Il m'est difficile de ne pas penser au manque de moyens qui est sans cesse souligné pour justifier le manque de soins, de suivi psychiatrique (entre autres), dans l'application des peines.
Je comprends que cette idée fasse bondir pas mal de monde. On laisse croupir des gens en prison, on ne se donne pas les moyens de les aider, on n'agit pas pour la réinsertion, et au final, en dernier recours, on va peut-être enfin se soucier des pbs psychologiques et pathologiques et détenus... en allongeant la peine... Il y a là quelque chose de paradoxal.
Certes, on traite ici de cas très lourds, et de personnes qui ne semblent pas pouvoir s'amender, mais en regard de la façon dont s'effectue la peine de prison dans notre pays et du peu de moyens que l'on consent à attribuer pour la sécurité de tous, je trouve ce projet de loi d'un cynisme absolu.
Je préfère supposer que les cas "lourds" sont confrontés à des médecins, que l'on tente ce qu'il est possible de tenter pour une éventuelle réinsertion, mais il est difficile de ne pas penser à ce qui n'est pas fait, et qui d'un coup, par miracle, pour quelques élus, pourra voir le jour, sans espoir tangible d'ailleurs (et personne n'en est comptable, rien à redire là dessus). Ca ne diminue en rien l'urgence de se saisir des récidives comme d'un problème important, c'est juste une remarque d'ordre général pour pointer ce qui me pose pb dans la démarche globale de nos dirigeants.