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    La rétention de sûreté...

    Maldoror
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    La rétention de sûreté... Empty La rétention de sûreté...

    Message par Maldoror Ven 18 Jan - 23:46

    Pour mon retour vraisemblablement officiel et durable dans ce sombre recoin de la toile, la moindre des politesses me parait être de relancer un sujet de polémique... j'ai nommé "La rétention de sûreté" (enfin, Madame la Garde des Sceaux a nommé, mais je me permets de m'attribuer temporairement la paternité de l'intitulé tellement je le trouve porteur d'une poésie insoupçonnée saut).

    Donc, parce que je suis toujours aussi cruel et dépourvu de savoir vivre, va suivre l'équivalent de neuf pages de textes. Bonne lecture...sm



    Ps: Sous réserve de corrections orthographiques...


    Dernière édition par le Sam 19 Jan - 0:03, édité 2 fois
    Maldoror
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    La rétention de sûreté... Empty Re: La rétention de sûreté...

    Message par Maldoror Ven 18 Jan - 23:52

    Le projet de loi relatif à la rétention de sûreté, eu égard au caractère éminemment sensible des questions sociétales qu’il aborde, ne pouvait qu’attirer sur lui des foudres d’éloquence. L’évocation de l’Allemagne nazie, la dénonciation d’un retour à l’Ancien régime et à la lettre de cachet, aucune critique n’a semblé trop virulente pour mettre en garde contre les dérives auxquelles est censé conduire ce projet. La violence de la charge est à la hauteur du danger pressenti, dira-t-on. L’on conviendra néanmoins que la peur, même dans ses manifestations les plus outrées, n’a jamais écarté le danger.
    Si toute menace s’écartait d’elle-même au premier déploiement de pathos, s’il suffisait d’une campagne d’indignation collective pour éradiquer l’objet de nos hantises, la société n’aurait d’ailleurs pas la nécessité des lois et de leur application. Mais, dans l’ordre des choses qui est le nôtre, où la réalité - pour paraphraser Phillip K. Dick - a cette détestable manie de refuser de disparaître quand bien même l’on cesse d’y croire, le législateur est parfois tenu de se saisir de questions qui le répugnent mais qui ne pourraient qu’empirer sous l’effet de sa négligence.
    Bien évidemment, la crainte de voir la politique pénale devenir un artifice de consolation face à l’ignominie d’un fait divers doit être entendue. Mais, dans le même temps, suffit-il qu’une réalité soit marginale pour être ignorée ? Pour le dire mieux, l’exception criminelle justifie-t-elle l’imperfection de la loi ? Pareille interrogation ne peut être résolue dans l’absolu : elle impose de soumettre ses convictions, aussi nobles soient-elles, à l’épreuve des faits.
    Or, lorsque l’on consent à moins spéculer sur ses vices supposés pour se concentrer sur son actualité, il apparaît que la nature et la portée du projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne justifient pas la véhémence de ses détracteurs.

    Rappelons que sur le principe, il s’agit de procéder, à l’issue de sa peine et ce par période de un an renouvelable, au placement d’un détenu dans un centre fermé « lorsqu’elle présente une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l’une de ces infractions » . La mesure ne serait applicable que dans l’hypothèse où sont réunies deux conditions cumulatives, à savoir lorsque « les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile (…) apparaissent insuffisantes » pour prévenir la récidive et lorsque la mesure de rétention de sûreté « constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission [d’un crime], dont la probabilité est particulièrement élevée ». Il est ainsi expressément stipulé que la rétention de sûreté constitue un dernier recours.
    Initialement, seules étaient concernées les personnes condamnées à une peine de quinze ans de prison et au-delà pour certains crimes sur mineur de moins de quinze, à savoir le meurtre ou l’assassinat, la torture ou les actes de barbarie, viol » sur mineur de moins de quinze ans. Plusieurs amendements sont venus étendre ce champ d’application. En premier lieu, seraient désormais susceptibles d’entraîner son application l’enlèvement et la séquestration de mineurs . En outre, la distinction d’âge a été supprimée, de telle sorte que l’auteur de l’un des crimes précités sur tout individu de moins de 18 ans pourrait faire l’objet d’une mesure de rétention de sûreté . Enfin, la mesure serait également applicable lorsque l’un des crimes précités est commis sur une victime majeure, sous réserve que celui-ci ait été commis avec des circonstances aggravantes .
    Ainsi, à l’origine destiné aux seuls auteurs de crimes commis sur les mineurs, et plus particulièrement ceux de nature sexuelle, le projet de loi vise dorénavant l’ensemble des personnes qui, condamnées à des peines de quinze ans d’emprisonnement et au-delà, présentent des risques de récidive accrus au regard de leur profil psychologique. En d’autres termes, c’est d’une façon générale la question du trouble mental et de la dangerosité qu’il peut induire qui est posée.

    Parmi le florilège des condamnations morales de ce projet de loi, celle de Robert Badinter constitue un modèle du genre. En effet, ce dernier dénonce ce qui constitue à ses yeux « un changement radical de notre droit », une « dérive dangereuse », ajoutant que « Depuis la Révolution française, on va en prison pour des actes ou crimes qu'on a commis, pas pour ce qu'on est, pas au nom d'une dangerosité indiquée par des psychiatres » . Ces propos ayant recueilli un large suffrage parmi les détracteurs du projet de loi, il semble légitime de les soumettre à l’épreuve des faits.
    Certes, sur la forme, le réquisitoire de M. Badinter présente ce double avantage d’être intelligible par tous et d’exalter les meilleurs sentiments. Mais, sur le fond, il appelle de nombreuses réserves, en ce qu’il laisse entendre que la justice pénale serait restée depuis la Révolution parfaitement insensible à la personnalité des criminels et que cette ignorance seule aurait jusqu’ici été garante de sa probité.
    Il suffit pour s’en convaincre de prendre acte, d’une part, des évolutions successives du droit pénal depuis 1810, et d’autre part, de considérer la rétention de sûreté au regard des dispositifs déjà existants.
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    La rétention de sûreté... Empty Re: La rétention de sûreté...

    Message par Maldoror Ven 18 Jan - 23:55

    Le psychiatre à la droite du juge, naissance et continuités d’une justice médicalement assistée

    Dans l’absolu, l’on sait que le contrôle social diffère nécessairement selon qu’il s’inspire d’un modèle juridique ou d’un modèle clinique. Dans la perspective juridique classique, le châtiment est une équation entre la gravité du crime et les antécédents de son auteur. À l’inverse, dans une approche psychiatrique de la criminalité, la peine n’est plus cette réponse au crime majorée du montant de la dette morale envers la société : l’acte commis n’est plus qu’une information parmi d’autres sur un individu dont il s’agit d’évaluer la dangerosité. Selon M. Petrunik, professeur au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, le clivage entre les deux types de contrôle social est parfaitement clair : « Le modèle juridique s’intéresse d’abord au crime plutôt qu’au contrevenant. La sentence doit être proportionnelle à la gravité du crime commis et aux antécédents du contrevenant. Contrairement au modèle clinique qui réclame une sentence indéterminée ou une période de traitement en se basant sur la pathologie du contrevenant et les dangers qu’il présente pour l’avenir, le modèle prévoit juridique prévoit des sentences à durée fixes » . Et M.Petrunik de conclure : « Dans le modèle juridique, les droits individuels, l’égalité devant la loi et l’option la moins restrictive passent avant la protection de la société et la réhabilitation du contrevenant » .

    Le Code pénal de 1810, en ce sens, respectait scrupuleusement le clivage entre le modèle juridique et le modèle clinique, puisque l’article 64 ne réservait au juge que deux options : soit l’auteur du crime était sain d’esprit au moment des faits, auquel cas son sort dépendait exclusivement de la justice, soit il était en état de démence au moment de la commission du crime, et était par conséquent abandonné au « bons offices » de la médecine. Fresnes ou Charenton, il fallait choisir !
    La redoutable cohérence de cette édifice juridique commença à décliner dès la loi du 28 avril 1832, qui prévoyaient l’existence de circonstances atténuantes pour cause de « demi-folie », annonçant déjà l’ère où l’expert psychiatre prendrait sa place à la droite du juge.
    Cette logique balbutiante des circonstances atténuantes sera consolidée par la circulaire Chaumié du 12 décembre 1905. Celle-ci exigeait des procureurs généraux qu’ils rappellent aux juges d’instruction que dorénavant, en matière criminelle, l’on ne pouvait plus se satisfaire des deux seules options de la sanité d’esprit ou de l’état de démence de l’inculpé. Le Garde des Sceaux, en effet, considérait qu’il était nécessaire de prendre en considération les avancées récentes de la psychiatrie :

    « Les Congrès de science pénale les plus récents se sont préoccupés, à juste titre, de l’atténuation possible de la culpabilité des accusés et des prévenus, résultant de leur état mental et ont été amenés à constater que, dans la plupart des cas, les cours et tribunaux n’ont pas les éléments nécessaires pour apprécier le degré exact de leur responsabilité. Certains médecins légistes croient avoir rempli suffisamment la mission qui leur a été confiée en concluant sommairement à une responsabilité limitée ou atténuée. Une semblable conclusion est beaucoup trop vague pour permettre au juge d’apprécier la culpabilité réelle du prévenu d’après son état mental au moment de l’action : mais son insuffisance tient généralement au défaut de précision du mandat qui a été donné à l’expert. A côté des aliénés proprement dits, on rencontre des dégénérés, des individus sujets à des impulsions morbides momentanées ou atteints d’anomalies mentales assez marquées pour justifier, à leur égard, une certaine modération dans l’application des peines édictées par la loi. Il importe que l’expert soit mis en demeure d’indiquer avec la plus grande netteté possible, dans quelles mesures l’inculpé était, au moment de l’infraction, responsable de l’acte qui lui est imputé »

    Ainsi, à compter de la circulaire Chaumié, les juges d’instruction étaient instamment priés de « dire si l’inculpé était en état de démence au moment de l’acte dans le sens de l’article 64 du Code Pénal », mais en outre évaluer « si l’examen psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui des anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer, dans une certaine mesure, sa responsabilité ».
    Dans le même esprit, la réécriture de l’article 81 du Code de procédure pénale en 1958 instituait lors de l’instruction une enquête de personnalité ainsi qu’un examen médical, deux obligations que la pratique judiciaire a rendu parfaitement illusoire, en décrétant que la nécessité de ces investigations particulières dépendait in fine de l’« appréciation souveraine par la juridiction d’instruction de la suffisance des renseignements rassemblés » .
    Cette philosophie juridique mâtinée de logique médicale ne connaîtra donc sa véritable consécration légale qu’avec l’adoption du nouveau code pénal en 1994. En effet, soutenue par Robert Badinter lui-même, cette réforme du Code pénal devait considérablement élargir l’influence de l’expertise psychiatrique sur le procès criminel, en s’inscrivant sans équivoque dans la lignée « des lois successives qui ont permis au juge la prise en considération de plus en plus large de la personnalité du criminel » en matière d’individualisation de la peine. Concrètement, la promotion de l’expert psychiatre dans l’ordre judiciaire s’est effectuée au travers de l’article 122-1 du Code pénal, initialement rédigé comme suit :

    « N’est pas punissable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
    La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime » .

    Si l’on retrouve indéniablement dans cet article l’esprit de la circulaire Chaumié en termes d’atténuation de la responsabilité pénale, l’on doit en outre souligner une substitution de termes lourde de conséquences : l’ancien article 64 du Code Pénal visait la démence comme cause d’irresponsabilité, désormais l’article 122-1 exige l’existence d’un trouble psychique ou neuro-psychique. L’innovation n’est pas anodine. C. Cherki-Nicklès et M. Dubec, tous deux psychiatres analystes, écrivent à ce sujet :

    « Si le terme de démence était faux ou prêtait à confusion, il aurait mieux valu le corriger par un terme général (l’alinéation par exemple) qui reste d’un maniement aisé pour le juge ou le justiciable. Un terme technique met en effet l’expert en place de décideur, rôle qui doit rester au juge » .

    La pratique judiciaire a depuis confirmé ces craintes de voir le juge partiellement dépossédé de son pouvoir d’appréciation au profit de l’expert psychiatre, la peine tendant à devenir la simple transcription juridique d’un diagnostic.
    Aussi, à considérer l’histoire du droit pénal depuis la Révolution, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne constitue qu’une étape supplémentaire dans la connivence croissante entre le modèle juridique et le modèle clinique du contrôle social, et non le changement radical qu’entend dénoncer Robert Badinter. Une réalité que ce dernier, de par sa contribution active à la médicalisation de la justice pénale, ne peut ignorer.
    De fait, s’il faut constater un changement radical de notre droit dans le projet d’une rétention de sûreté, il est moins à chercher dans son principe que dans le caractère inédit de sa mise en œuvre, qui procède en l’occurrence d’une volonté évidente de restituer au pouvoir judiciaire des attributions qui ont été progressivement abandonnées à l’administration et au corps médical.
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    La rétention de sûreté... Empty Re: La rétention de sûreté...

    Message par Maldoror Ven 18 Jan - 23:56

    La rétention de sûreté, comme un arbre devant la forêt…

    De nombreux observateurs opposent au projet de loi relatif à la rétention de sûreté que, au surplus d’être contraire à la tradition juridique française, il serait inutile puisque existe déjà une procédure d’hospitalisation d’office .
    Or, ce dispositif privatif de liberté est applicable en l’absence même de la commission d’un crime ou d’un délit : la « dangerosité » seule de l’individu suffit à justifier son internement. En d’autres termes, l’argument invoqué atteste à lui seul de la conformité de la rétention de sûreté avec le droit positif ! L’incohérence est d’autant plus grande qu’elle consiste in fine à se réclamer d’un système qui entretient les risques de détention arbitraire.
    En effet, la première particularité de l’hospitalisation d’office est d’échapper au pouvoir du juge : le préfet pour Paris et les représentants de l’Etat pour les départements sont seuls habilités à prendre la décision d’internement ainsi que la décision de sortie. Selon la procédure courante, l’arrêté d’internement doit être justifié par un rapport circonstancié qui atteste que l’individu atteint d’un trouble mental présente un trouble pour l’ordre public ou la sécurité des personnes. Selon la procédure d’urgence, la « notoriété publique » de la dangerosité de l’individu peut pallier à l’absence temporaire d’avis médical, qui devra être établi dans les 24 heures. Dans un ca comme dans l’autre, nulle commission d’infraction n’est exigée pour que soit procédée à l’internement. Ensuite, dans les trois jours qui précèdent l’expiration du premier mois d’hospitalisation, « le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d’un psychiatre, le maintien de l’hospitalisation d’office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l’Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités » . Il revient enfin au représentant de l’Etat de décider ou non de mettre un terme à l’hospitalisation d’office, sur la foi des expertises psychiatriques établies à intervalle régulier. A défaut, le procureur de la République, le patient lui-même ou « toute personne lui portant intérêt » peuvent saisir le juge judiciaire, compétent pour connaître de toute contestation portant sur le bien fondé de l’internement.
    En 2001, le nombre des hospitalisations d’office s’élevait à 5904 . En 2003, près de 9 000 hospitalisations d’office étaient constatées , ce chiffre n’incluant pas les personnes détenues en milieu hospitalier après avoir été déclarés pénalement irresponsables. D’après la Haute autorité de santé, le nombre des hospitalisations d’office n’a cessé d’augmenter depuis .

    De fait, lorsque l’on met en perspective l’hospitalisation d’office telle qu’elle existe aujourd’hui et le projet relatif à la rétention de sûreté, l’indignation déployée pour dénoncer ledit projet paraît en réalité se tromper d’objet. Car la procédure de rétention de sûreté est autrement plus soucieuse des droits de la défense que ne peut l’être l’hospitalisation d’office, qui évince le juge de la décision initiale d’internement alors même celle-ci conduit à une mesure privative de liberté.
    Pour que soit prononcée une mesure du rétention de sûreté, il faut en effet une proposition motivée par la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, au vu de tous les éléments utiles et après expertise médicale, qui est ensuite transmise au procureur général du lieu de détention de la personne concernée. Après avoir été saisie par le procureur général, c’est ensuite une Commission régionale de la rétention de sûreté qui doit se prononcer. Celle-ci est composée de trois juges de la Cour d’appel. Elle doit nécessairement statuer au plus tard trois mois avant la date de libération prévue , et ce à l’issue d’un débat contradictoire où la personne concernée est assistée d’un avocat, option que l’hospitalisation d’office n’envisage pas à ce stade de la décision d’internement. Enfin un appel de la décision est possible devant la Commission nationale de la rétention de sûreté, composée de trois magistrats de la Cour de cassation .
    Ainsi, quand la nécessité d’une hospitalisation d’office est simplement décrétée par le préfet seul ou par un représentant de l’Etat, l’opportunité d’une rétention de sûreté fait l’objet d’une réelle concertation. Il faut en effet rappeler la composition de la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté : un président de chambre à la cour d’appel, un préfet ou son représentant, un directeur des services pénitentiaires, deux experts (l’un psychiatre, l’autre psychologue), un représentant d’une association nationale d’aide aux victimes ainsi qu’un avocat membre du conseil de l’ordre .
    Ainsi, en comparaison d’une hospitalisation d’office qui repose sur une décision effroyablement discrétionnaire, la rétention de sûreté ne paraît pas justifier l’ire qu’elle a provoqué, et semble même augurer du souhaitable retour d’un contrôle judiciaire en matière d’hospitalisation sous contrainte. Si l’on ajoute à cela que le projet de loi, selon toute probabilité, est appelé à concerner une vingtaine de personnes tout au plus , contre les milliers de cas constatés d’hospitalisation d’office, le caractère outrancier des reproches adressés au dispositif de la rétention de sûreté n’en apparaît que plus difficilement soutenable.
    Pour autant, il ne s’agit pas d’approuver mécaniquement le projet mis en cause. Trop de questions sont encore laissées en suspens pour que l’on y souscrive sans réserves. Mais, dans un débat qui met en branle de telles questions sociétales, la moindre des politesses intellectuelles est de réserver ses anathèmes.
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    Message par Mara Sam 19 Jan - 0:40

    Et en résumé ???












    nah !
    Shogun
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    tokugawa spirit


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    Message par Shogun Sam 19 Jan - 16:13

    oops, j'ai trop mal au crane, mais heureux de te retrouvé par ici
    mr maldo
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    La rétention de sûreté... Empty Re: La rétention de sûreté...

    Message par Mara Mer 23 Jan - 17:22

    Plus sérieusement...

    Maldoror a écrit:La violence de la charge est à la hauteur du danger pressenti, dira-t-on.
    Je te rejoins quant au rire que peut provoquer l'apparition du fameux point Godwin dans toute conversation sur ces sujets, ce qui a de plus le désavantage de permettre une critique qui se porterait non sur les arguments mais sur la tonalité employée.

    L’on conviendra néanmoins que la peur, même dans ses manifestations les plus outrées, n’a jamais écarté le danger.
    Je suis tentée de retourner ce propos, que personnellement je trouve assez facile. Que l'on ait "peur" est la grande justification que l'on propose essentiellement dans l'adoption de cette loi, qui est tout de même proposée à grand renfort de faits divers et de pathos.

    Dans ce débat, avant l'organisation sociale, on plaide en faveur des victimes, on appelle toute personne à se sentir de près ou de loin victime potentielle, afin de placer le débat dans un champ sentimental. On nage, dans les deux camps, en plein dans la persuasion, ce qui a tendance à rendre plus que suspicieux.


    Si toute menace s’écartait d’elle-même au premier déploiement de pathos, s’il suffisait d’une campagne d’indignation collective pour éradiquer l’objet de nos hantises, la société n’aurait d’ailleurs pas la nécessité des lois et de leur application.
    En effet, mais comme je le soulignais ci-dessus, ceci me rappelle également à quel point sur ces questions, l'on voit resurgir des débats récurrents sur ce qu'il faudrait faire aux "déviants" pour assainir la société. Question pathos, sincèrement, notre gouvernement actuel n'est pas en reste...

    Mais, dans l’ordre des choses qui est le nôtre, où la réalité - pour paraphraser Phillip K. Dick - a cette détestable manie de refuser de disparaître quand bien même l’on cesse d’y croire, le législateur est parfois tenu de se saisir de questions qui le répugnent mais qui ne pourraient qu’empirer sous l’effet de sa négligence.
    Justement, en l'état de notre justice, les erreurs judiciaires étant plus que nombreuses, il faut également penser à ceux que l'on condamne et se prémunir contre la possibilité de l'erreur.
    La récidive est un problème très important, mais l'erreur judiciaire, tout comme la question du sort que l'on réserve à nos prisonniers sont tout aussi importants. On ne peut, sur un sujet comme celui-ci, se contenter de penser aux victimes. Souligner, fût-ce de façon alarmiste (et donc radicale), ce qui dans un projet de loi va à l'encontre de l'idée que l'on se fait des droits de l'homme (le prisonnier en faisant partie) a au moins le mérite de mettre en balance le discours centré sur les victimes potentielles que nous sommes.

    Les deux parties peuvent être renvoyées dos à dos dans le partage du pathos... et je ne crois pas peu essentiel le discours que tu critiques ici et qui dans sa radicalité offre l'impulsion d'une réflexion sur le prisonnier et ses droits en tant qu'homme.
    Ce discours peut être plus qu'exaspérant dans sa forme, je te l'accorde volontiers, il n'en demeure pas moins que si un tel projet de loi était débattu sans que s'élèvent des voix qui parlent pour rappeler à la prudence la plus grande, cela serait bien plus inquiétant.

    Bien évidemment, la crainte de voir la politique pénale devenir un artifice de consolation face à l’ignominie d’un fait divers doit être entendue.
    oui, et cette crainte est saine.

    Mais, dans le même temps, suffit-il qu’une réalité soit marginale pour être ignorée ?
    Justement... Il s'agirait de ne pas oublier que la justice n'est pas exempte d'erreur, fussent-elles marginales.

    Pour le dire mieux, l’exception criminelle justifie-t-elle l’imperfection de la loi ?
    En effet, la question résume bien le principal problème. Il faut évidemment se saisir de la récidive, on ne peut pas se contenter de déplorer les faits et ne rien faire sous prétexte d'un pourcentage...

    Pareille interrogation ne peut être résolue dans l’absolu : elle impose de soumettre ses convictions, aussi nobles soient-elles, à l’épreuve des faits.
    Il y a toujours quelque chose d'assez hugolien dans notre vision du monde (à la française, lol)... Cette idée qu'en "ouvrant une école on ferme une prison", comme si les choses étaient aussi simples et mécaniques. L'éducation ne peut pas tout, et la perfectiblité n'est malheureusement pas partagée par tous. Je crois sincèrement que certains ont du mal à accepter que la réalité n'embrasse pas leurs idéaux "humanistes".
    Je crois toutefois qu'ils doivent nous servir de garde-fou, non de prêt à penser, mais de discours radical invitant à mesurer chaque décision, chaque loi, pour lui offrir le plus de sécurités possibles.

    Or, lorsque l’on consent à moins spéculer sur ses vices supposés pour se concentrer sur son actualité, il apparaît que la nature et la portée du projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne justifient pas la véhémence de ses détracteurs.
    Je trouve que vu la façon dont il a été présenté par madame Dati, ce projet de loi appelait cette véhémence. Si l'on remet cela dans le contexte, vu le nombre de décisions prises à la va vite ces derniers temps, le moins que l'on puisse faire est d'appeler à la prudence (et je me répète : la radicalité a cette vertu de créer l'impulsion de la réflexion).

    « les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile (…) apparaissent insuffisantes » pour prévenir la récidive et lorsque la mesure de rétention de sûreté « constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission [d’un crime], dont la probabilité est particulièrement élevée ». Il est ainsi expressément stipulé que la rétention de sûreté constitue un dernier recours.
    merci pour tous tes "rappels" instructifs Wink

    Concernant "l'injonction de soin", ce qui me semble honteux, c'est le décalage entre ce qui devrait être fait depuis longtemps et ce qu'on se promet de faire "en dernier recours"... Il m'est difficile de ne pas penser au manque de moyens qui est sans cesse souligné pour justifier le manque de soins, de suivi psychiatrique (entre autres), dans l'application des peines.
    Je comprends que cette idée fasse bondir pas mal de monde. On laisse croupir des gens en prison, on ne se donne pas les moyens de les aider, on n'agit pas pour la réinsertion, et au final, en dernier recours, on va peut-être enfin se soucier des pbs psychologiques et pathologiques et détenus... en allongeant la peine... Il y a là quelque chose de paradoxal.

    Certes, on traite ici de cas très lourds, et de personnes qui ne semblent pas pouvoir s'amender, mais en regard de la façon dont s'effectue la peine de prison dans notre pays et du peu de moyens que l'on consent à attribuer pour la sécurité de tous, je trouve ce projet de loi d'un cynisme absolu.

    Je préfère supposer que les cas "lourds" sont confrontés à des médecins, que l'on tente ce qu'il est possible de tenter pour une éventuelle réinsertion, mais il est difficile de ne pas penser à ce qui n'est pas fait, et qui d'un coup, par miracle, pour quelques élus, pourra voir le jour, sans espoir tangible d'ailleurs (et personne n'en est comptable, rien à redire là dessus). Ca ne diminue en rien l'urgence de se saisir des récidives comme d'un problème important, c'est juste une remarque d'ordre général pour pointer ce qui me pose pb dans la démarche globale de nos dirigeants.

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