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Shogun a écrit:Prométhée a écrit:Thelonious Monk : Straight no chaser
ishu de quel album ?
THELONIOUS MONK / Straight no chaser
Label : Columbia
Sortie : 1967
::: TRACK LIST :::
01. Locomotive
02. I didn't know about you - take 4
03. Straight, no chaser
04. Japanese folk song [kojo no tsuki]
05. Between the devil and the deep blue sea
06. We see
07. This is my story, this is my song
08. I didn't know about you - take 1
09. Green chimneys
MUSICIENS
Thelonious Monk piano
Charlie Rouse saxophone ténor
Larry Gales basse
Ben Riley batterie
CHRONIQUE :
Cet album de 1967 est un véritable tour de force monkien. Il représente un univers toujours plus affirmé, une maturité sans faille, une créativité absolue, mais avec somme toute des moyens très banals : quartet saxophone-piano-contrebasse-batterie, des structures peu élaborées : thème-chorus de saxophone-chorus de piano-thème, éventuellement chorus de contrebasse et/ou chorus de batterie. Rien de bien nouveau ou de bien étrange à cela... Et pourtant !
Avez-vous déjà entendu un accompagnement qui ressemble de près ou de loin à la main gauche de Monk dans le titre Straight, no Chaser ? Connaissez-vous une mélodie plus tendre et plus familière (avec pourtant tant de force, voire d'aggressivité) que celle de Between the Devil and the Deep Blue Sea ? Chaque morceau a son expression particulière, son mystère, ses interrogations. Tout a l'air si logique pour le moine et ses compagnons que l'auditeur ne sait comment interpréter cette musique. Celle-ci nous arrive droit sur le coeur et l'on ressent mille sensations, mais comment les décrire ? C'est là toute la difficulté d'une critique d'un tel album. Changez de personne, d'humeur ou d'heure et vous percevrez ces artistes d'une toute autre manière. Féroces ou dansants, complices ou poseurs de piège, etc.
Monk est Majestueux. Il a une énorme confiance en lui qui lui permet de tenter tout, et n'importe quoi. Et tout fonctionne, tout passe à merveille dans ce quartet de folie. Il a prouvé que son style réussissait et n'a pas décidé de le faire évoluer : sa musique est géniale alors on profite. Rouse aussi, qui baigne dans les accords impossibles du pianiste comme un poisson dans l'eau, montre une insolente facilitée. Il a un son si caractéristique, immédiatement identifiable, un phrasé si agréable. Il amène son public exactement où il le décide et s'amuse à le surprendre au moment le plus inattendu. Le tout avec une aisance déconcertante. Et à chaque fois on tombe de haut. C'est si bon de partir avec eux...
Ce coup-ci on navigue entre la vieille Amérique et le Japon traditionnel. Monk reprend Ellington (deux prises de I didn't Know About You) ainsi que les standards This is my Story, this is my Song et Between the Devil and the Deep Blue Sea. Et surtout, il adapte Kojo No Tsuki, ce titre de Taki devient alors entre les huit mains de ce groupe un véritable morceau de jazz, d'une beauté absolue avec un rythme particulier, faussement tranquille. Monk conquiert le monde et le fait intégralement sien.
Et que dire de Ben Riley, toujours parfait. Il écoute beaucoup ses compères et les laisse parler ; mais, méfions-nous, lorsqu'il s'agit de les titiller, il n'hésite pas à s'acharner sur Monsieur Thelonious dans le classique We See. Il leur répond (pendant le chorus de piano de Green Chimneys) et le dialogue sort toujours vainqueur. Larry Gales est également excellent. C'est l'ossature du groupe, les fondations de la maison. Dans des compositions aussi tordues que Straight, no Chaser, tout s'écroulerait si la section rythmique n'était pas aussi régulière et autoritaire.
Instrumentistes extraordinaires, musique universelle et atemporelle, personnalités fortes du jazz... n'hésitez pas, ce disque, dans sa réédition de 2000, est un fond de bac indispensable.
- Pierre Godard -
