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    Le bunkaru

    Ninoche
    Ninoche
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    Le bunkaru Empty Le bunkaru

    Message par Ninoche Jeu 13 Avr - 23:10

    J'ai découvert dans le magasine de la cité de la musique à paris une série d'articles très intéressant sur l'art musical japonais. J'y ai découvert une forme d'art particulier, le bunkaru. Je vous recopie ici l'article de Véronique Brindeau. Je crois qu'il y a ici quelques passionés de culture japonaise que ça pourrait intéresser.

    LA PAROLE EN ACTION

    « Lisse , clair, impassible comme un oignon blanc qui vient d’être lavé » : tel apparaît à Roland Barthes, citant le poète Bashô, le visage du maître marionnettiste de bunkaru. Ni exhibé ni dissimulé, le travail du geste est ici simplement donné à voir, sans discrétion factice ni ostentation. En pleine lumière sur la scène, trois manipulateurs animent chacun des personnages principaux, dont la hauteur est de moitié celle d’une taille humaine. Seul à se présenter le visage découvert, le premier marionnettiste tient le corps de la poupée, dont il manœuvre aussi le bras droit et la tête. C’est le Trésor National Vivant Minosuke Yoshida, troisième du nom, qui tiendra ce rôle pour cette série de représentation à la Cité de la Musique. Ses deux assistants, entièrement vêtus de noir, le visage voilé d’une gaze également noire, ont charge, l’un du bras gauche et de divers accessoires, l’autre des jambes de la marionnette ou du bas de son kimono. Il appartient aussi à ce troisième acolyte de souligner les déplacements des personnages en faisant résonner ses propres socques de bois sur la scène.
    Tout aussi apparents, le récitant et le musicien jouant du luth shamisen prennent place sur une estrade latérale et sont les interprètes, avec les manipulateurs, des trois disciplines constitutives du bunkaru. Si le terme est récent, puisqu’il dérive du nom du théâtre Bunkaru-sa d’Osaka, édifié en 1872 d’après le nom de Uemura Bunkaruken qui sauva le genre à la fin du 19ème siècle, l’art du récit, comme celui des marionnettes, est au Japon bien plus ancien. Dès le 12ème siècle, sous l’influence du continent, des troupes popularisent un art d’abord rudimentaire qui se développera au 15ème siècle en s’associant à des formes de propagande religieuse, illustrant des épisodes de la vie du Bouddha ou des récits de miracles.

    Veine sentimentale

    La permanence de ces histoires édifiantes transparaît dans Tsubosaka reigenki (« Miracle au temple de Tsubosaka ») : un homme aveugle, qui doute de la fidélité de son épouse alors que celle-ci ne s’absente que pour prier pour sa guérison, pris de remords, se suicide, bientôt rejoint dans la mort par son épouse éplorée. La déesse Kannon compatissante ressuscite les époux et rend la vue au vieil homme… Des récits plus profanes, relatant les terribles batailles entre clans du 13ème siècle, ou les récits semi légendaires deviendront bientôt si populaires que l’une de ces romances, celle des amours de la princesse Jôruri, donnera son titre au genre tout entier.
    La seconde pièce au programme, écrite en 1773 et inspirée d’un fait divers, relève de cette veine sentimentale. Pour sauver son amant, qui doit mourir par fidélité à son maitre, une jeune fille donne l’alarme d’un incendie imaginaire, unique recours pour faire s’ouvrir les portes de la ville avant l’aube. Escaladant l’échelle de la tour de guet, une nuit de neige, vêtue d’un kimono écarlate, la poupée donne l’illusion, en une des scènes les plus éblouissantes du répertoire, de gravir seule les échelons vers la cloche salvatrice.
    A travers la personne du récitant, la voix des marionnettistes apparaît comme déplacée sur le coté, mise à distance, séparée du corps dont elle exprime paroles et affects. Le « vociférant », comme le qualifie Roland Barthes, donne sa voix aux différents personnages, variant couleur et tessiture selon les rôles : voix minaudantes ou rudes, de jeune fille ou de tyran, passant de l’un à l’autre l’espace d’un instant.

    Dramaturgie propre
    L’engagement physique du récitant est total. Son art, celui de la dépense. Arc-bouté au lutrin, prenant appui sur la ceinture lestée de sable qui assure une meilleure assise à son souffle, il dit le texte ou plutôt il le sue, le chante, l’éructe, le sanglote. Il use d’un registre parlé pour les dialogues, chanté pour les passages lyriques et l’évocation des paysages, oscille de l’un à l’autre sur un mode récitatif intermédiaire. A son côté, le joueur de shamisen soutient le récit, inscrit ses interventions dans une tension émotive qu’il porte et- et résout, dans une parfaite coordination avec les marionnettes. Hormis les passages introductifs où son rôle est plus lyrique, ses interventions souvent brèves sont pourtant riches de sens et leur rôle rythmique essentiel. L’interprète puise dans de courts stéréotypes, à la fois fonctionnels et expressifs : telle formule indique qu’une poupée féminine va parler, que l’on passe d’un dialogue à un récit indirecte ; tel accord donne le ton, cérémonial ou nostalgique, de toute une scène. Jusqu’au choix du doigté, qui nuancera de tristesse un dialogue en favorisant certaines résonances. Côté jardin, dissimulé par une claire-voie, un « orchestre de l’ombre » ajoute ses effets de paysage sonore : halo d’une cloche, rythme d’un tambour figurant la chute lancinante de la neige.
    Au triangle des gestes sur scène, dont la parfaite coordination exige des années d’apprentissage, se superpose un plus ample triangle formé par les manipulateurs, le récitant et le joueur de shamisen. Et c’est bien dans cet espace de circulation des forces entre la marionnette (ce « centre à gestes », selon l’expression de Paul Claudel), la voix et l’instrument qu’un certain type de tension dramatique se constitue, hors de l’unié organique de l’acteur, se ramasse, se dissout, se reforme sans cesse, constituant la dramaturgie propore du bunkaru.
    Véronique Brindeau


    Théâtre nationnal du bunkau avec Minosuke Yoshida III.
    Le samedi 10 juin à 15h et 20h, le dimanche 11 juin à 16h30.

      La date/heure actuelle est Mar 7 Mai - 1:29

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