Intra Muros
Il en y en a toujours un, l’énième con d’une liste qui n’a cessé de s’allonger tout au long de la journée, celui qui prendra pour les autres. Un sur lequel on s’acharne, pour l’exemple…
Pour toutes les fois où l’on s’est laissé docilement devancer dans la file d’attente, pour ces jours où l’on se laisse bousculer par l’une des innombrables déclinaisons de l’homme pressé, sans réagir, parce qu’on a à peu près aussi peu de temps à perdre que lui en actes de résistances. C’est une compétition de perdants qui se joue là, un concours infiniment triste où chacun se doit d’être le meilleur pour obtenir son lot de consolation. Le temps perdu est l’enjeu de cette guerre si civile, qui se déroule sans oser faire de morts trop évidents… Aucune de ses victimes ne sera comptabilisée dans les statistiques des êtres tombés au champ de l’honneur ravalé.
C’est toute une population de fantômes, absents à eux même, désincarnés jusqu’à la moindre de leurs envies, qui se laissent porter en cohorte compacte par l’errance productive. Une fois qu’ils sont enfouis dans les entrailles de cette Babel en perpétuelle reconstruction, dans ce ventre où chacun porte sa puanteur pour la conjuguer à celle des autres, ne pas manquer sa correspondance devient la seule issue possible.
Et puis l’on remonte à l’air libre, enfin, heureux de s’en être sorti cette fois encore. On n’a pas manqué sa correspondance…
Mais on n’en reste pas moins l’aliment favori de cette ville, et l’on sait que l’on n’échappera pas indéfiniment à la digestion générale, que le béton armé nous a définitivement cerné et que son espérance de vie nous est désormais supérieure. Et que dès demain, nous retournerons nous jeter avec la même tristesse pressée dans la gueule béante du métropolitain…
Dernière édition par le Dim 13 Mar - 21:51, édité 1 fois