Inconnu en début d'année, Gipi est pour beaucoup (et pour moi) l'auteur de l'année. Cette année, 4 perles sont sorties : "Notes pour une histoire de guerre", "Les innocents", "Le local" et "Extérieur Nuit". A chaque fois, je me suis pris une grosse claque. Il a raflé plusieurs prix et son "Notes pour une histoire de guerre" est nominé comme meilleur album au festival d'Angoulême. Alliant un style graphique très particulier et un sens narratif incroyable, il fait maintenant partie indubitablement des auteurs à suivre de très près. Un petit interview s'imposait.Nis - Sur votre blog, on peut voir que votre première bande dessinée répertoriée date de 1997 (Storie Varie). Je crois que vous avez plus ou moins 40 ans ...Gipi - Oui, j'ai 42 ans.
Nis - Pourquoi avez-vous commencé à écrire des bandes dessinées si tard ?Gipi - Tout d'abord parce que je suis un inconscient. J'ai commencé à publier en 1994, dans une revue satirique italienne assez connue (aujourd'hui disparue), qui s'appelait "Cuore" (Coeur). Je ne faisais pas de vrais strips satiriques mais plutôt des histoires autobiographiques racontant le monde dans lequel j'ai grandit et représentant également, selon moi, un miroir "politique" de la société italienne. Je n'ai pas pensé faire de livre avec mes histoires avant 2000, année où j'ai rencontré l'auteur et éditeur Igort et sa maison d'édition Coconino. Je dessinais des histoires pour moi : quatre des histoires contenues dans Extérieur Nuit avaient été faites uniquement par passion, sans l'ambition d'être publiées. Igort a vu une des ces histoires et m'a demandé si j'en avais d'autres pour en faire un livre. J'en avais quelques unes et, après avoir dessiné "Muttererde" spécialement pour le livre, la version italienne d'Extérieur Nuit est sortie. Je croyais que personne ne le lirait et je m'attendais à un fiasco total. Au contraire, le livre a obtenu des prix, la reconnaissance critique et du public. J'ai compris à quel point les livres étaient importants, j'ai vu qu'ils avaient une vie bien à eux. Cela m'a plu et j'ai eu l'envie d'en faire d'autres
Nis - Comment avez-vous découvert les bandes dessinées ?Gipi - Par Igort, qui d'éditeur est devenu un ami. Je n'avais jamais été un grand lecteur de bandes dessinées et je connaissais très peu d'auteurs. Maintenant j'essaie d'y remédier, en regardant les travaux des autres et surtout en rencontrant d'autres auteurs (ce qui me plaît beaucoup). Je vis depuis huit ans dans une maison au milieu d'un bois, à flanc de colline. Je suis le seul dessinateur dans un rayon de 120 kilomètres. Pendant des années je n'ai fréquenté personne et je n'ai pas eu l'occasion d'échanger des idées et des opinions sur le dessin. Maintenant, les choses ont beaucoup changé, naturellement.
Nis - Maintenant lisez-vous des bandes dessinées ? Y a-t-il des auteurs qui vous influencent ?Gipi - Je ne lis pas de bandes dessinées, ou alors très rarement. Je ne lis même pas les miens, ou alors uniquement pendant la réalisation et une seule fois, tout à la fin, avant de l'envoyer à l'impression (et à chaque fois j'ai une crise en pensant que j'ai fait un travail exécrable). Cependant, j'admire et je suis le travail de beaucoup d'auteurs que j'ai découverts ces trois dernières années : David B., Sfar, Igort, Baru, Matt Broersma, Nilsen, Mattotti, Spiegelmann... et beaucoup d'autres. Bref, les meilleurs

Mais surtout, c'est le "rapport à l'histoire" qu'ont ces auteurs qui m'intéresse. C'est comme si j'étais plus intéressé par la méthode/l'approche du travail que par le travail en lui-même. Par exemple, j'ai vu Sfar dessiner dans un bistrot à Paris, et sa légèreté m'a illuminé. Je suis fasciné par la passion pour les histoires.
Nis - Vous êtes également cinéaste. Le cinéma a-t-il une influence dans votre travail ?Gipi - Pendant quelques années j'ai réalisé des courts métrages, et j'ai aussi fait deux longs métrages d'une heure chacun. Mais je ne peux pas me définir comme réalisateur. Utiliser une caméra et tourner de petits films est avant tout un jeu. Même si les idées de départ sont souvent sérieuses, le déroulement est presque toujours comique et ironique. Lors de la prise de vue il se passe quelque chose de très différent du travail que je fais avec les bandes dessinées (où le travail naît en une partie plus complexe de mon être). Le travail fait avec ce mini-cinéma m'a fortement aidé à la compréhension du temps et des cadrages et maintenant, lorsque je dessine, je me rend compte de tout ce que cela a impliqué pour mon dessin et pour le rythme que je donne à mes histoires.
Nis - Quels sont vos projets maintenant ? D'autres livres vont-ils sortir en 2006 ?Gipi - Je viens d'achever le second album de la série "baci dalla provincia" (le premier était "les innocents") qui sera présenté dans quelques jours par Vertige/Coconino, au festival d'Angoulême. Je suis assez content du résultat. C'est une histoire très dure et je suis content d'être revenu à un peu de méchanceté après la douceur de "le local". Après je prendrai un peu de repos. Je n'ai plus quitté ma table depuis presque six ans et n'ai plus été en vacances depuis 5. J'aime dessiner, peut-être plus que tout, mais je me sens très fatigué et l'année passée a été difficile, sentimentalement parlant également. Je dois me reposer. Je dois me reposer. Je dois me reposer. Même si, en réalité, j'ai en tête un nouveau livre, à dessiner d'un seul jet, en noir et blanc, sur une base autobiographique "adaptée". J'ai déjà écrit et dessiné le premier épisode, qui s'appelle "i due funghi" ("les deux champignons") et qui pourra être lu par les lecteurs français achetant la revue autoproduite qui le publiera : Canicola n. 3 ("Canicule n. 3") qui sortira (et sera disponible) à Angoulême. C'est un beau journal fait par deux jeunes auteurs qui m'ont demandé de faire une histoire. J'ai été content de la faire et je considère "i due funghi" comme une des meilleures choses que j'ai faites. Maintenant j'ai le second chapitre à travailler, et j'en ai d'autres en tête. Je crois que ces différentes parties seront collectées en un nouveau volume dans les prochains mois. mmmmmm.... J'avais dit que je devais me reposer
Merci à Gipi et à Docteur Paul pour sa super traduction !
Interwiev de Gipi par Nis, disponible sur son blog dont le lien est :
http://bdinde.blogspot.com/